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Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Ce qu’il faut savoir sur l’allergie à l’insuline

Flacon et seringue d’insuline. biologycorner © Flickr

SOMMAIRE

Très rare, l’allergie à la molécule d’insuline est un diagnostic clinique qui nécessite d’être confirmé par des tests allergologiques cutanés, compte tenu du caractère indispensable de ce traitement pour certains patients vivant avec un diabète. Il importe en effet de déterminer si le patient est véritablement allergique à l’insuline, à un adjuvant, à un conservateur ou au matériel d’injection.L’utilisation de l’insuline humaine recombinante, produite par génie génétique par des bactéries ou des levures génétiquement modifiées, a nettement réduit l’incidence de l’allergie à l’insuline. On estime que la prévalence de l’allergie à l’insuline se situe entre 0,1 % et 3 %. Elle pourrait concerner dans le monde 800 000 patients sur les 90 millions recevant de l’insuline.

La réaction allergique à l’insuline humaine est le plus souvent de deux types différents : immédiate ou retardée. La réaction d’hypersensibilité immédiate est dépendante des immunoglobulines E (allergie « IgE dépendante »). Sur le site de piqûre, on observe un œdème (gonflement), un érythème (rougeur) et un prurit (démangeaison) quelques minutes après injection de l’insuline. La réaction allergique est parfois retardée. Dans ce cas, elle apparaît habituellement 24 heures après l’injection d’insuline et persiste plusieurs jours. Elle provoque l’apparition de nodules sous-cutanés, inflammatoires, sans prurit, parfois douloureux.

Bien que la molécule d’insuline soit le principal allergène, des excipients (adjuvant, conservateur) peuvent être mis être en cause. Le nickel des aiguilles peut aussi être responsable d’une réaction allergique. Le latex, pouvant être contenu en infime quantité dans le caoutchouc des cartouches d’insuline (dont sont munis les stylos à insuline rechargeables), peut déclencher une urticaire.

Même si l’allergie à l’insuline est devenue très rare, la démarche diagnostique et thérapeutique est essentielle à connaître. Publiée le 4 mai 2022 dans la revue Diabetologia, une étude française fait le point sur cette question. Le Dr Agnès Sola-Gazagnes et ses collègues du service de diabétologie et d’immunologie clinique de l’hôpital Cochin (Paris) rapportent avoir identifié, entre 2000 et 2010, 52 patients présentant une allergie possible à l’insuline (cohorte rétrospective).

On peut classer, sur la base de quatre critères cliniques, les patients dans trois catégories selon qu’ils présentent une allergie possible, probable ou improbable à l’insuline. Premier critère : l’apparition d’une réaction locale ou généralisée évocatrice d’une allergie à l’insuline. Celle-ci peut être immédiate (dans les quinze minutes après l’injection) ou retardée (survenant après un délai de six heures). Deuxième critère : la réaction survient à chaque injection de l’insuline en question. Troisième critère : la réaction est centrée sur le point d’injection. Quatrième et dernier  critère : la réaction est constatée par un médecin.

Les diabétologues de l’hôpital Cochin, en association avec des dermato-allergologues de l’hôpital Tenon (Paris), ont également mené une étude cas-témoins. Les participants ont été recrutés entre 2014 et 2016. L’étude a porté sur 10 patients présentant une allergie probable à l’insuline, 22 patients diabétiques de type 1 traités par l’insuline mais non allergiques et 21 autres, diabétiques de type 2, n’ayant jamais été traités par insuline.

Dix variétés d’insuline ont été testées. Si certaines préparations contenaient le même  excipient, d’autres formulations renfermaient des excipients différents. Plusieurs combinaisons ont été testées afin d’exclure la responsabilité de certains excipients dans la survenue de réactions allergiques. Exemple : l’insuline glulisine, qui ne contient pas de zinc, permet d’exclure une allergie à cet adjuvant.

Les tests cutanés ont consisté en des injections à la face externe du bras avec des solutions diluées. Les tests intradermiques (intradermoréaction ou IDR) permettent d’explorer les allergies immédiates mais aussi retardées par leur lecture respectivement immédiate, à 24 heures, puis à 48 heures. Au total, sur une période d’une heure et demie à deux heures, une quarantaine injections intradermiques utilisant 10 insulines différentes ont été réalisées, sans que la dose d’insuline ne dépasse 3 unités (sous surveillance glycémique). Chez quatre patients sur dix allergiques, une biopsie cutanée (qui permet de prélever une petite “carotte” de peau) a été réalisée au site de l’IDR pour examen au microscope.

Des prick-tests ont également été effectués chez 24 patients. Une goutte de la solution d’insuline est déposée sur la peau, puis une aiguille hypodermique est introduite à travers la goutte jusque dans l’épiderme. Les réactions ont été lues après 20 minutes et les diamètres de la papule et de l’érythème sont mesurés. La face antérieure de l’avant-bras est la plus couramment utilisée. Enfin, des dosages en immunoglobulines  E (IgE) anti-insuline ont été effectués.

Une allergie probable à l’insuline (présence de quatre critères cliniques) était présente sur 26 des 52 patients (50 %). Chez ces 26 patients, les réactions étaient majoritairement locales (19 sur 26, 73 %). Elles étaient généralisées (urticaire, œdème laryngé du fait d’une réaction anaphylactique sévère) chez 7 d’entre eux (27 %). Les réactions d’hypersensibilité immédiate ont été plus fréquentes (77 %) que les réactions allergiques différées (23 %).

Sur la base des critères cliniques prédéfinis, une allergie possible à l’insuline a été considérée chez 9 des 52 patients (17 %). Tous les patients de ce groupe ont présenté des démangeaisons centrées sur les sites d’injection et survenant le plus souvent immédiatement après, mais cette réaction n’avait pas pu être objectivée par un médecin.

Par ailleurs, des patients ne présentant aucun des quatre critères cliniques prédéfinis ont été considérés comme n’ayant sans doute pas d’allergie à l’insuline. Sur les 52 patients, 17 étaient dans ce cas, soit 33 % d’entre eux. Les symptômes étaient variables mais survenaient de façon inconstante à chaque injection. Chez ces patients, des réactions non spécifiques et retardées étaient plus fréquentes.

L’allergie à l’insuline est observée dans les diabètes de type 1 et 2

La proportion de patients vivant avec un diabète de type 1 ou de type 2 ne différaient pas entre les groupes, pas plus que la durée de la maladie diabétique. De  même, la fréquence d’un terrain atopique (prédisposition à développer une allergie), était similaire dans les différents groupes. En d’autres termes, des antécédents d’atopie n’étaient pas associés à l’allergie à l’insuline. De même, aucun terrain génétique particulier (groupe HLA) n’apparaît lié à la survenue de réactions allergiques à l’insuline.

En comparaison avec les autres groupes, les patients qui présentaient une allergie probable étaient traités par insuline depuis moins longtemps que les autres. Ce délai, bien que variable, était généralement de quelques mois.

Il s’avère que l’intradermoréaction (IDR) se montre très performante pour identifier les patients ayant une allergie probable à l’insuline. En effet, sa sensibilité est de 92 %. L’IDR a été positive chez 24 des 26 patients qui avaient été classés dans cette catégorie au vu des critères cliniques. Chez les patients considérés comme possiblement allergiques à l’insuline, l’IDR n’a été positive que chez 33 % d’entre eux (3 sur 9). Surtout, la spécificité de l’IDR est de 100 %, dans la mesure où l’IDR a été négative chez tous les patients considérés comme n’ayant sans doute pas d’allergie à l’insuline sur la base des critères cliniques.

« En plus de confirmer l’allergie à l’insuline, l’IDR est utile pour identifier les formulations d’insuline à risque allergique dans la mesure où toutes les IDR étaient positives avec l’insuline incriminée, mais également avec d’autres préparations insuliniques », déclare Agnès Sola-Gazagnes.

La plupart des réactions allergiques ont été observées avec l’insuline detemir (insuline d’action prolongée), confirmant le résultat d’études antérieures. L’insuline detemir est associée à une plus grande fréquence de réactions cutanées, la plupart du temps différées.

Par ailleurs, chez six patients, l’IDR a été positive à la protamine, qui est un adjuvant permettant d’allonger la durée d’action de l’insuline. Ces patients ont également eu une IDR positive à des formulations d’insuline ne contenant pas de protamine. Ils présentaient donc une allergie conjointement à la protamine et à l’insuline. Aucune autre réaction à un autre excipient n’a été observée, notamment au nickel des aiguilles ou au métacrésol utilisé comme conservateur.

Concernant les prick-tests, il ressort que toutes les réactions positives ont été observées chez les patients classés comme allergiques probables à l’insuline. Surtout, tous les patients ayant un prick-test positif avaient également une IDR positive. Quant aux  dosages des IgE, ils ne sont pertinents qu’en cas de réactions d’hypersensibilité immédiate.

Il apparaît donc que l’IDR permet d’identifier les patients présentant des manifestations allergiques immédiates ou différées en réaction à l’insuline mise en cause et que le prick-test et le dosage des IgE n’ont pas de valeur ajoutée.

Cela dit, les prick-tests, bien que peu sensibles, sont faciles à réaliser et devraient être utilisés en dépistage car un test positif permet de s’affranchir de l’IDR dont la réalisation est plus complexe, estiment les auteurs de l’étude. À l’inverse un prick-test négatif ne permet pas de conclure. Le bilan allergologique devrait par ailleurs comporter un prick-test au latex. En revanche, les dosages des IgE ne sont pas recommandés dans le bilan diagnostic.

La biopsie cutanée au site de l’IDR a montré la présence d’une inflammation cutanée, superficielle et profonde, par des cellules inflammatoires.

Au total, 31 patients ont finalement été considérés comme présentant une allergie probable à l’insuline (23 dans la cohorte rétrospective et 8 dans l’étude cas-témoins).

Cette étude cas-témoins montre que « seuls les patients considérés comme ayant une allergie à l’insuline cliniquement probable ou possible devraient passer des tests cutanés pour confirmer ou exclure le diagnostic », déclarent les auteurs.

Une approche thérapeutique progressive

Quid du traitement de ces rares patients présentant une allergie probable à l’insuline au vu des critères cliniques et des résultats positifs de l’IDR? Les cliniciens parisiens proposent une approche thérapeutique progressive.

Il apparaît que l’on peut observer une disparition spontanée des symptômes, après un délai de quelques mois. Cela a été le cas pour 3 des 34 traités par insuline (3 %).

Seconde possibilité : le remplacement de l’insuline par un médicament hypoglycémiant par voie orale et un analogue du GLP-1 (utilisé dans le traitement du diabète de type 2) lorsque cela s’avère possible ou par une autre insuline en cas de réaction retardée. Troisième possibilité : prescrire une autre insuline que celle incriminée dans l’allergie probable ou possible. « Dans ce cas, on choisit de prescrire, parmi toutes celles utilisées lors des tests cutanés, celle qui provoque le moins de réactions allergiques », indique le Dr Agnès Sola-Gazagnes qui ajoute que le remplacement d’une insuline par une autre a permis de résoudre l’allergie chez 3 patients (9 % des 34 patients).

Une quatrième possibilité consiste à prescrire un antihistaminique (cetirizine, desloratadine) pour les patients présentant une hypersensibilité immédiate. Cette option s’est avérée suffisante chez 4 patients (12 %).

Pour les autres patients (15 sur 34, 44 %), les médecins ont opté pour un traitement par pompe à insuline, dispositif qui délivre en continu de petites quantités d’insuline rapide, avec un apport plus important (bolus) aux repas. Cette modalité d’administration a deux avantages. En programmant la délivrance de l’insuline du repas sur 30 à 60 minutes, cela prolonge la durée d’exposition à la molécule et limite sa capacité à induire une réaction allergique. Elle favorise également la désensibilisation vis-à-vis de l’insuline en exposant en continu le patient à de faibles doses croissantes d’insuline. « Le traitement par pompe à insuline est la thérapeutique de prédilection lorsque l’on ne peut pas sevrer de l’insuline le patient diabétique allergique ou encore administrer un autre traitement antidiabétique », conclut le Dr Agnès Sola-Gazagnes.

Marc GOZLAN (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn)

Pour en savoir plus...

Sola-Gazagnes A, Pecquet C, Berré S, et al. Insulin allergy: a diagnostic and therapeutic strategy based on a retrospective cohort and a case-control study. Diabetologia. 2022 May 4. doi: 10.1007/s00125-022-05710-9

Imiela A, Tavernier JY, Carrotte-Lefebvre I, et al. Allergie à l’insuline humaine recombinante : à propos de 3 cas avec manifestations immédiates généralisées. Rev Fr Allergol Immunol Clin. 2003 Apr;43(3):165-169. doi: 10.1016/S0335-7457(03)00045-5

Waton J. L’allergie à l’insuline : mise au point. Rev Fr Allergol Immunol Clin. 2011 Feb; 51(3):336-42. doi: 10.1016/j.reval.2011.01.022

Teo CB, Tan PY, Lee SX, et al. Insulin Allergy to Detemir Followed by Rapid Onset of Diabetic Ketoacidosis: A Case Report and Literature Review. Front Endocrinol (Lausanne). 2022 Mar 8;13:844040. doi: 10.3389/fendo.2022.844040

Ghazavi MK, Johnston GA. Insulin allergy. Clin Dermatol. 2011 May-Jun;29(3):300-5. doi: 10.1016/j.clindermatol.2010.11.009

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