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Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Obésité : un fléau croissant en Europe

Bru-nO © Pixabay

SOMMAIRE

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’inquiète de l’épidémie de surpoids et d’obésité sur le continent européen. Selon un rapport rédigé par le bureau régional de l’OMS basé à Copenhague, la zone européenne de l’OMS (qui comprend 53 pays d’Europe et d’Asie centrale) présente des taux de surpoids et d’obésité qui se rapprochent de ceux observés dans les Amériques.

La corpulence est définie, selon les critères de l’OMS, par l’indice de masse corporelle (IMC). Celui-ci est calculé par la formule (poids [kg]/taille [m]2) : [18,5–24,9] : poids normal, [25–29,9] : surpoids et ≥ 30 kg/m2 : obésité. L’obésité est classée par degré de sévérité selon l’IMC (en kg/m2) : [30–34,9] : classe I ; [35–39,9] : classe II et ≥ 40 kg/m2 : classe III.

Le surpoids et l’obésité affectent 59 % des adultes et un enfant sur trois (29 % des garçons et 27 % des filles). Plus précisément, 63 % des hommes et 54 % des femmes sont en surpoids ou obèses dans la zone Europe de l’OMS.

L’obésité, maladie chronique caractérisée par un excès de masse grasse, est associée au développement de nombreuses comorbidités. Pathologie complexe et multifactorielle, l’obésité est liée à un risque accru de maladies cardiométaboliques telles que le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, des maladies cardiovasculaires, ainsi que des maladies respiratoires chroniques (dont l’apnée du sommeil) et d’au moins 13 types de tumeurs malignes. Il s’agit du cancer de l’endomètre (utérus), du sein (en particulier après la ménopause), du côlon/rectum, de la vésicule biliaire, du pancréas, du foie, du rein, de l’estomac et de l’œsophage, de la thyroïde, de l’ovaire, ainsi que le myélome multiple (cancer du sang) et le méningiome (tumeur cérébrale). On estime que l’obésité est directement responsable d’au moins 200 000 nouveaux cas de cancer chaque année en Europe.

Les problèmes de santé liés à l’obésité tiennent en partie au fait que le tissu adipeux est un organe actif sur le plan métabolique et que les cellules adipeuses (adipocytes) libèrent des substances appelées adipocytokines et cytokines inflammatoires, lesquelles jouent un rôle dans le métabolisme des glucides et des lipides, mais également dans la croissance des cellules, l’inflammation et le stress oxydant. Ce dernier résulte de l’action des radicaux libres qui entraînent des dommages cellulaires. La graisse viscérale (celle contenue dans la cavité péritonéale et qui entoure les organes abdominaux) a un impact plus important sur la santé que celle contenue dans la peau, car elle est plus active sur le plan métabolique et renferme plus de cellules adipeuses. L’obésité augmente notamment le risque d’accident vasculaire cérébral et de maladie coronarienne, les deux formes les plus courantes de mortalité cardio-vasculaire.

Des estimations récentes suggèrent que le surpoids et l’obésité sont responsables chaque année de plus de 1,2 million de décès dans la région Europe de l’OMS, ce qui représente plus de 13 % du total des décès.

Près d’un quart des adultes sont obèses en Europe

Prévalence de l’obésité chez les adultes (standardisée pour l’âge) dans les pays de la Région Europe de l’OMS en 2016. © WHO European Regional Obesity Report 2022 (220 pages).

Près d’un quart (23 %) des adultes vivent avec une obésité. Dans certains pays, un tiers des adultes sont obèses. Contrairement à ce que l’on observe avec le surpoids, l’obésité concerne globalement plus de femmes (24 %) que d’hommes (22 %). Les pays méditerranéens et d’Europe de l’Est ont les taux les plus élevés de surpoids et d’obésité.

Évolution de la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les adultes dans la Région européenne de l’OMS (2016), selon le sexe. © WHO European Regional Obesity Report 2022.

L’OMS s’inquiète de l’augmentation rapide du surpoids et de l’obésité chez les adultes. Chez les adultes, la prévalence de l’obésité s’est envolée à 138 % depuis 1975, avec une progression de 21 % entre 2006 et 2016. « De manière alarmante, aucun État membre de la région Europe de l’OMS ne peut actuellement prétendre atteindre les objectifs fixés par l’OMS en 2013 pour stopper la progression de l’obésité et du diabète », souligne le rapport.

Le surpoids et l’obésité touchent également les enfants. Or les études montrent que les enfants et les adolescents obèses présentent plus de risque de rester obèses à l’âge adulte. On estime cette probabilité entre 50 et 70 %.

Entre 5 à 9 ans, un enfant sur huit est obèse en Europe

Le rapport de l’OMS indique que le surpoids (y compris l’obésité) est un problème qui touche 4,4 millions d’enfants de moins de 5 ans, soit 7,9 % des enfants de cette tranche d’âge, avec cependant de grandes variations entre les pays de la zone Europe de l’OMS.

Prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants âgés de 5 à 9 ans dans la Région européenne de l’OMS (2016). © WHO European Regional Obesity Report 2022.

Le rapport indique que la prévalence du surpoids et de l’obésité augmente parmi les enfants de 5 à 9 ans, avec un enfant obèse sur huit (11,6 %) et près d’un sur trois (29,5 %) en surpoids (y compris obèse).

Évolution de la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants âgés de 5 à 9 ans dans la Région européenne de l’OMS, selon le sexe. © WHO European Regional Obesity Report 2022.

Il ressort que la prévalence du surpoids et de l’obésité a quasiment triplé chez les garçons entre 1975 et 2016 et plus que doublé chez les filles de même âge. Concernant les enfants et adolescents âgés de 5 à 19 ans, le taux d’obésité a augmenté encore plus rapidement et a été multiplié par cinq entre 1975 et 2016.

Un environnement obésogène

Le rapport dénonce, sur près de 50 pages, l’environnement « obésogène », tant vis-à-vis des enfants que des adultes : accès illimité à la nourriture, marketing de l’industrie agroalimentaire, changements du mode de vie, « environnement numérique alimentaire » (jeux vidéos, marketing digital, matraquage publicitaire, plats ultra-transformés, achats en ligne, livraison de repas via des applications). Et de souligner que des interventions politiques fortes devraient cibler ces « déterminants environnementaux et commerciaux » de l’obésité, seules à même d’être efficaces pour lutter contre ce qui est qualifié d’« épidémie » par l’OMS.

Dans certains États membres (Chypre, Grèce, Italie, Espagne, Monténégro, Saint-Marin), près de 20 % des garçons entre 6 et 9 ans sont obèses, indique le rapport de l’OMS. Il apparaît que la prévalence du surpoids est plus élevée parmi les enfants dont les parents ont un faible niveau d’instruction. Ceci est particulièrement observé dans les pays à haut revenu dans lesquels la prévalence de l’obésité chez les enfants est environ le double de celle observée chez les enfants dont les parents ont un niveau d’éducation élevé.

Au Royaume-Uni, l’association caritative Cancer Research UK estime, dans un rapport publié en mai 2022, que plus de 21 millions d’adultes seront obèses en 2040, soit environ 36 % de la population. Si la tendance continue, la mortalité associée à l’obésité pourrait dépasser celle liée au tabagisme, prévient-elle. De même, le nombre de personnes en situation d’obésité pourrait surpasser celui des personnes ayant un poids normal.

Déterminants sociaux de l’obésité

Publiée en avril 2022 dans la revue Nutrients, une étude européenne a examiné la prévalence de l’obésité des enfants dans 6 pays européens et l’association de la maladie avec certaines caractéristiques sociodémographiques.  Baptisée Feel4Diabetes Study, cette étude a été menée en Belgique, Bulgarie, Finlande, Grèce, Hongrie et Espagne. Elle a montré qu’un cinquième des enfants est en surpoids et qu’un enfant sur treize est obèse.

Il ressort également que les enfants ont deux fois plus de risque d’être en surpoids ou obèses si leur père ou leur mère a eu moins de 9 années d’études par rapport à ceux dont le père ou la mère a un niveau d’instruction plus important (entre 9 et 14 ans d’études).

De même, lorsqu’un des parents présente une obésité, 11,8 % des enfants sont obèses. Lorsque les deux parents sont obèses, le pourcentage d’enfants obèses atteint 27,2 %.

Enfin, plusieurs études récentes indiquent que l’IMC a augmenté chez les enfants et adolescents pendant la pandémie Covid-19, période au cours de laquelle on a notamment observé une diminution de l’activité physique.

Impact néfaste de la pandémie de Covid-19

Publiée en mai 2022 dans Nutrients, une étude, conduite par des chercheurs du Centre universitaire médical de Maastricht (Pays-Bas), a évalué le changement de l’indice de masse corporelle d’enfants en surpoids et obèses dans le cadre d’un programme de changement personnel du mode de vie 6 et 12 mois après le début du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19. Les données recueillies ont été comparées à celle de l’année précédente durant la même période.

Cette étude de cohorte a été menée auprès de 71 enfants âgés de 4 à 18 ans présentant un surpoids et une obésité sévère. Elle montre un gain de poids significatif sur le moyen-long terme, environ un an et demi après le début de la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, dans le sous-groupe des enfants qui avaient réussi à diminuer ou stabiliser leur IMC, cette diminution avait été moindre après six mois en 2020 par rapport à ce qui avait été observé en 2019. Des résultats considérés comme « alarmants », par les auteurs et qui font dire que les programmes de lutte contre l’obésité ne devraient pas seulement cibler les enfants mais également les familles.

Marc GOZLAN (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn)

Pour en savoir plus...

WHO European Regional Obesity Report 2022. 220 pages. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe; 2022. Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGO.

Arayess L, Knockaert N, Winkens B, et al. The Side-Effects of the COVID-19 Pandemic: Increased BMI z-Score in Children with Overweight and Obesity in a Personalised Lifestyle Intervention One Year after the Start of the Pandemic in The Netherlands. Nutrients. 2022 May 5;14(9):1942. doi: 10.3390/nu14091942

Moschonis G, Siopis G, Anastasiou C, et al, On Behalf Of The Feel Diabetes-Study Group. Prevalence of Childhood Obesity by Country, Family Socio-Demographics, and Parental Obesity in Europe: The Feel4Diabetes Study. Nutrients. 2022 Apr 27;14(9):1830. doi: 10.3390/nu14091830

Matta J, Carette C, Rives Lange C, Czernichow S. Épidémiologie de l’obésité en France et dans le monde. Presse Med. 2018 May;47(5):434-438. French. doi: 10.1016/j.lpm.2018.03.023

Lauby-Secretan B, Scoccianti C, Loomis D, et al; International Agency for Research on Cancer Handbook Working Group. Body Fatness and Cancer–Viewpoint of the IARC Working Group. N Engl J Med. 2016 Aug 25;375(8):794-8. doi: 10.1056/NEJMsr1606602

Sur le web :

New analysis estimates over 21 million UK adults will be obese by 2040 (Cancer Research UK)

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