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Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

L’histoire du diabète à travers la philatélie

SOMMAIRE

Dans ce billet de blog, je vous invite à voyager à travers les timbres qui ont célébré certaines étapes majeures de l’histoire du diabète et de la diabétologie.

La première fois qu’il est fait mention d’une affection caractérisée par une soif intense et un flux d’urine abondant remonte aux écrits retrouvés sur un long papyrus, daté d’environ 1550 ans avant notre ère et que l’égyptologue allemand Goerg Moritz Ebers a acquis en 1872.

Le « papyrus Ebers », découvert dans un sarcophage à Louxor, est l’un des plus anciens documents sur la pratique de la médecine aux temps anciens et considéré comme la première référence au diabète sucré. Il cite des remèdes pour éliminer l’urine qui est en excès.

Un timbre commémoratif a été émis en Egypte en 1971 à l’occasion de la journée mondiale de la santé organisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il illustre une partie du papyrus Ebers et montre un portrait du médecin égyptien Hesy Re.

En l’honneur d’Arétée de Cappadoce 

Le Transkei, un bantoustan situé dans les anciennes provinces du Cap et du Natal d’Afrique du Sud, aujourd’hui dans le Cap-Oriental, émet en 1900 un timbre à l’effigie d’Arétée de Cappadoce. C’est à ce médecin de la Grèce antique (environ 130-200 après J.C) que l’on doit les premières descriptions magistrales des troubles présentés par les malades diabétiques : « Ils ne cessent en effet d’uriner… (Ils souffrent) d’une soif inextinguible et boivent démesurément, ce qui fournit d’abondantes urines. La gorge du malade brûle, il souffre de soif ardente ». Arétée de Cappadoce interprète le diabète comme « la fonte des chairs et des membres en urine ».

La dénomination “diabète” fut diffusée par Arétée de Cappadoce, même si l’origine de ce mot est attribuée à Apollonius de Memphis et à Demetrius d’Apamea. Ils utilisèrent au 3e siècle avant J.C ce terme forgé à partir du grec « dia » (à travers) et « betos » (fuite). Le mot diabète signifie en grec ancien « couler à travers » ou « siphon », en référence aux grandes quantités d’eau coulant à travers le corps.

Avicenne (980–1037) fut mis à l’honneur sur un timbre émis en 1932 en Pologne. Ce médecin arabe d’origine perse a notamment décrit l’hyperphagie et la gangrène diabétique. Auteur d’ouvrages de référence en médecine (Canon de la Médecine) et en philosophie, Avicenne (Ibn Sina) dénomma cette maladie « aldu-lab », ce qui signifie « roue à eau » ou « roue d’irrigation », en référence à l’abondance des urines. Il proposa de traiter le diabète par un mélange de graines de lupin, fenugrec et racines de zédoary (variété de curcuma). On ne compte plus depuis les timbres-poste représentant Avicenne.

Moïse Maïmonide (Moshe ben Maïmon, 1138-1204), célèbre rabbin et médecin du XIIe siècle, né à Cordoue, souligna la fréquence du diabète chez les Egyptiens. En 1953, un timbre lui a été consacré en Israël.

En 1989, la Hongrie a émis un timbre à l’effigie de Paracelse (Aureolus Philippus Theophrastus Bombastus von Hohenheim, 1493-1541). Au XVIe siècle, ce médecin suisse, étudia l’urine des malades diabétiques et décrivit la présence de cristaux dans l’urine de patients diabétiques. Il ne sut cependant pas reconnaître leur nature. Il prit pour du « sel sec », et non pour du sucre, le résidu issu d’une urine bouillie. Il le considéra comme une espèce de poison affectant les reins et considéra que celui-ci était responsable de la maladie. Il s’avéra par la suite que cette poudre blanc grisâtre était du glucose.

Des timbres pour célébrer les pionniers de l’ère pré-insulinique

En 1939, un timbre français illustra Claude Bernard (1813–1878). Considéré comme le fondateur de la physiologie moderne et de la médecine expérimentale, il était intrigué par le fait que le sucre persistait dans le sang, indépendamment de la teneur de l’alimentation en glucides ou après une période de jeûne. Il montra que le foie est capable de stocker et produire du glucose, sans même qu’il y ait apport en sucres (hydrates de carbone) par l’alimentation. Il découvrit ce qu’on appelle la fonction glycogénique du foie. En 1895, il nomma glycogène cette réserve de glucose produite par le foie.

En matière de diabète, Claude Bernard est également connu pour sa « « piqûre-diabète » réalisée en 1849. En piquant le plancher du quatrième ventricule dans le cerveau de lapins et de chiens, il observa après quelques minutes une hyperglycémie transitoire puis une glycosurie (présence de glucose dans les urines). S’ensuivit une longue discussion sur le rôle possible du système nerveux central dans le diabète. Claude Bernard en conclut, à tort, que le diabète était d’origine nerveuse.

La preuve de l’origine pancréatique du diabète fut apportée expérimentalement en 1889 par Oskar Minkowski (1858-1931, né en Lituanie, qui faisait alors partie de l’Empire russe) et Joseph von Mering (1849-1908) à Strasbourg. Minkowski effectua une découverte décisive en provoquant chez un chien un diabète expérimental en réalisant l’ablation du pancréas (pancréatectomie). C’est ainsi qu’il démontra de manière magistrale le rôle essentiel de cet organe dans le diabète. Ce résultat constitua un tournant majeur dans la compréhension de la fonction endocrine du pancréas.

En 1990, un timbre du Transkei, bantoustan d’Afrique du Sud, honora la mémoire d’Oskar Minkowski.

En 2012, la Lituanie émit un timbre à l’effigie d’Oskar Minkowski.

La Roumanie a édité, en 1994 et 1999, deux timbres à l’effigie de Nicolae Constantin Paulescu (1869-1931). Ce médecin et physiologiste roumain, formé en France (1888), a décrit l’effet hypoglycémiant d’extraits pancréatiques quelques mois avant Frederick Banting et le groupe de l’université de Toronto.

Il retourna en Roumanie en 1900 où il obtint le titre de professeur assistant de physiologie à la faculté de médecine de Bucarest. Il parvint, fin 1916, à obtenir un extrait de pancréas de bœuf actif chez le chien diabétique, juste avant que son laboratoire ne ferme du fait de l’occupation de la Roumanie par l’armée allemande.

Paulescu ne reprit ses travaux qu’en 1920 du fait de la première guerre mondiale. Il publia, le 31 août 1921, un long article dans les Archives Internationales de Physiologie, plusieurs mois avant ceux de l’équipe de Toronto qui furent présentés en novembre 1921. Il y rapporta les résultats de douze expériences décrivant l’activité hypoglycémiante de son extrait pancréatique, qu’il baptisa « pancréine ». Le 10 avril 1922, il obtint du ministère de l’industrie et du commerce roumain l’enregistrement d’un brevet sur la pancréine.

Nicolae Paulescu échoua à faire reconnaître l’antériorité de ses travaux sur la pancréine/insuline auprès du comité Nobel qui attribua en 1923 le prix à Frederick Banting et Joseph Macleod. Par ailleurs, l’activisme nationaliste antisémite de Paulescu empêcha sa réhabilitation sur le plan international. Il mourut en 1931 des complications rénales d’un cancer de la vessie.

La découverte de l’insuline célébrée par les timbres

Plusieurs timbres illustrent la découverte de l’insuline par le groupe de Toronto (Canada).

En 1971, quatre timbres ont été consacrés au 50e anniversaire de la découverte de l’insuline par Frederick Banting, Charles Best et John Macleod. Ils ont été émis au Canada, en Belgique, en Suisse et en Uruguay.

Le timbre canadien représente notamment un flacon d’insuline, une seringue hypodermique et un test colorimétrique rudimentaire de détection du sucre dans les urines.

Le timbre belge décrit la structure primaire de la proinsuline (représentée par des arcs de cercles blancs et noirs) avec ses trois ponts disulfure (liaisons entre des atomes de soufre). L’image montre également la solution de Benedict, du nom du chimiste américain Stanley Rossiter Benedict (1844-1936), utilisée pour détecter des sucres réducteurs. Un test positif avec le réactif de Benedict* se traduit, après passage au bain-marie, par un changement de couleur du bleu clair au rouge brique avec un précipité.

En 1971, un timbre suisse représente Frederick G. Banting.

En 1991, pour les 70 ans de la découverte de l’insuline, Frederick Banting et le Best Institute de l’université de Toronto ont été à l’honneur d’un nouveau timbre canadien.

En 1992, un timbre d’Uruguay a montré un ballon en verre entouré d’un joli ruban célébrant le 50e anniversaire de la découverte de l’insuline par Banting et Best.

En 1993, un timbre suisse représentait Banting et Best, ainsi qu’un de leurs chiens de laboratoire, une seringue d’injection et un extrait du cahier de laboratoire.

Les honneurs philatéliques pour les progrès de la biochimie structurale

En 1976, un timbre a été émis par la République populaire de Chine illustrant la structure tridimensionnelle de l’insuline synthétisée pour la première fois par des scientifiques chinois. Il faisait partie d’une série de timbres dédiée au plan quinquennal (1972-76) pour le développement économique.

Des timbres pour illustrer les complications associées au diabète

Des timbres mettent également en garde sur les complications associées au diabète. En 1960, la maladie artérielle périphérique du diabète, due à une athérosclérose au niveau des membres inférieurs, a été illustrée par un timbre commercialisé aux États-Unis en faveur de l’emploi des personnes handicapées. On y voit un patient amputé en fauteuil roulant.

En 1974, la République Dominicaine a produit une série de timbres évoquant la lutte contre le diabète, en montrant un patient diabétique amputé, un œil et un cœur, le pancréas ou un rein.

En 1979, un timbre autrichien a célébré le 10e Congrès mondial de la Fédération internationale du diabète qui se tenait à Vienne et a illustré l’angiopathie diabétique, autrement dit l’atteinte vasculaire associée au diabète. L’image de fond est celle de vaisseaux rétiniens, plus précisément une microphotographie montrant une lésion vasculaire rétinienne.

En 1989, un timbre de St Vincent (Caraïbes) a mis en exergue l’importance de l’éducation précoce en matière de lutte contre le diabète.

En 1990, des cristaux d’insuline ont été représentés sur un timbre danois.

En 1992, le Brésil a émis un timbre en faveur du dépistage du diabète sous la forme d’un oiseau imaginaire dont la queue montre les couleurs possibles des bandelettes du test.

En 1994, c’est au tour du Japon de montrer des cristaux d’insuline sur un timbre-poste.

En 1995, un timbre du Bangladesh a célébré la journée nationale de sensibilisation au diabète en montrant l’importance d’une alimentation saine (fruits et légumes frais) et un enfant s’injectant de l’insuline.

En 1995, la Sierra Leone a commercialisé un timbre à l’effigie de Rosalyn Yalow, qui obtint le Prix Nobel de médecine en 1977 pour avoir mis au point le principe des dosages par radio-immunologie, qui permet de quantifier des substances présentes en quantités infimes dans un milieu liquide, comme l’insuline.

En 2001, aux États-Unis, un timbre a été émis en forme de plaidoyer pour une meilleure information sur le diabète.

En 2003, l’Algérie en fait de même à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le diabète.

En 1990, la poste autrichienne a émis un timbre illustrant la dialyse et la transplantation rénale, soulignant le risque d’insuffisance rénale chronique comme complication du diabète.

En 2011, la découverte de l’insuline figura sur un timbre français illustré par des silhouettes en pleine forme et avec le mot « Vie ».

En 2015, la République populaire de Chine a produit un timbre pour le 50e anniversaire de la cristallisation de l’insuline bovine synthétique.

En 2020, un timbre d’Aruba, petite île des Antilles néerlandaises, a incité les personnes diabétiques à auto-contrôler leur glycémie.

En avril 2022, Postes Canada a émis un timbre marquant le 100e anniversaire de la découverte de l’insuline dans un laboratoire du département de physiologie à l’Université de Toronto. Ce timbre montre un flacon d’insuline et un extrait des mémoires de Frederick Banting. Le texte relate le moment précis où a germé son idée qui devait finalement conduire à la découverte de l’insuline.

Banting avait passé la journée à préparer un cours sur le métabolisme du glucose. « C’était un de ces soirs où j’étais agité et où je n’arrivais pas à trouver le sommeil… finalement, vers 2 heures du matin, alors que le cours et l’article se bousculaient dans mon esprit… l’idée me vint que si on ligaturait à titre expérimental le canal de Wirsung, il y aurait dégénérescence d’une partie du pancréas et on pourrait ainsi isoler la sécrétion interne de la sécrétion externe. Je me levais pour noter cette idée et passais le reste de la nuit à y réfléchir ».

Le centenaire de la découverte de l’insuline a été commémoré en 2022 par les services postaux de la Suisse, de la Macédoine du Nord, du Pakistan et du Brésil.

Le timbre suisse représente la structure dite « en ruban » (hélice alpha) des chaînes A et B qui composent l’insuline.

Le timbre émis au Pakistan met en scène Frederick Banting et Charles Best. Il reproduit en partie la ‘Une’ de l’édition du 22 mars 1922 du Toronto Daily Star annonçant la découverte de l’insuline par des médecins de Toronto.

Le timbre édité par la Macédoine du Nord montre un flacon d’insuline humaine et une seringue.


Le timbre brésilien représente notamment les deux chaînes de l’insuline, un flacon et une seringue.

Permettez-moi de conclure ce billet de blog consacré à l’histoire du diabète et de la diabétologie sous l’angle de la philatélie par quelques considérations « médico-historico-philatéliques » plus générales.

Les premiers timbres ayant pour thème la médecine

La première personnalité médicale à avoir eu l’honneur de figurer sur un timbre postal, en 1899, a été Francisco Javier Eugenio de Santa Cruz y Espejo (1747-1795). Médecin, hygiéniste, journaliste et écrivain, il a rédigé un traité, Reflexiones médicas sobre la higiene de Quito, sur les conditions sanitaires dans l’Équateur colonial.

En France, en 1923, une série de timbres célébra le chimiste Louis Pasteur, dont on rappelle qu’il n’était pas médecin.

Le premier médecin de renommée mondiale à apparaître sur des timbres fut Herman Boerhaave (1668-1738), qui était également botaniste et chimiste. Ce Néerlandais rénova la méthode de l’enseignement de la médecine, notamment par l’apprentissage au lit du malade. Boerhaave revitalisa en effet l’enseignement au chevet des malades lorsqu’il développa deux salles de six lits à l’hôpital St. Caecilia, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes. Il mit l’accent sur les antécédents médicaux et l’examen physique, suivis du diagnostic, du pronostic et du plan de traitement, de façon comparable à la pratique médicale actuelle.

Boerhaave fit de l’université de Leiden le premier centre médical d’Europe au début du XVIIIe siècle. Il a été honoré deux fois par les Pays-Bas sur le plan philatélique, en 1928 et en 1938 à l’occasion du 200e anniversaire de sa mort.

Le premier timbre postal illustrant un thème médical a été émis en 1860 par la colonie britannique Nevis (Caraïbes). Les colons français la nommèrent Niévès. Ce timbre mettait en scène une source médicinale et une cascade dans laquelle se baignait Hygie, la déesse grecque de la santé.

Enfin, en 1889, un timbre émis par la Nouvelle-Galles du Sud représenta le capitaine James Cook. Pour ses travaux concernant la prévention du scorbut, celui-ci avait reçu en 1776 la médaille Copley de la Royal Society (Londres), la plus prestigieuse récompense pour un scientifique à cette époque.

Marc GOZLAN (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn)

* En Europe, ce test a été supplanté par la liqueur de Fehling permettant la détection des sucres réducteurs.

Pour en savoir plus...

Kyle RA, Steensma DP. Herman Boerhaave – Master Clinician and Humanist. Mayo Clin Proc. 2018 Nov;93(11):e119-e120. doi: 10.1016/j.mayocp.2018.09.014

Kyle RA, Steensma DP, Shampo MA. Oscar (Oskar) Minkowski: discovery of the pancreatic origin of diabetes. Mayo Clin Proc. 2015 Feb;90(2):e17-8. doi: 10.1016/j.mayocp.2014.06.026

Zhdanov RI, Cetinkaya I, Zhdanova SI. Stamping through scientific advances in medicine and genetics. J Med Med Sci. 2010 Apr;1(3):045-054.

Guaraldi F, Pasquali R. Medical philately. Diabetes: from ancient Egypt to the 18th century. J Assoc Physicians India. 2010 Jul;58:457. PMID: 21121217.

Pai-Dhungat JV, Parikh F. Medical philately (medical theme on stamps). Oskar Minkowski & pancreas. J Assoc Physicians India. 2009 Aug;57:602. PMID: 20209725.

Lee J. Sanders. From Thebes to Toronto and the 21st Century: An Incredible Journey diabetes spectrum. 2000;15(1):56-60. doi: 10.2337/diaspect.15.1.56

Chudley AE. Genetic landmarks through philately–a brief history of diabetes mellitus. Clin Genet. 1999 Apr;55(4):231-3. doi: 10.1034/j.1399-0004.1999.550403.x

Onat T. The history of endocrinology in philately. J Pediatr Endocrinol Metab. 1997 Jul-Aug;10(4):371-7. doi: 10.1515/jpem.1997.10.4.371

Guaraldi F, Pasquali R. Medical philately. Diabetes: modern times. J Assoc Physicians India. 2010 Sep;58:582. PMID: 21391384.

 

Sur le web :

Colnect (site répertoriant un grand nombre de timbres)

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