Situation à Mayotte et à la Réunion depuis la pandémie

Le Professeur Dominique Eladari, médecin néphrologue sur l’île de la Réunion et PI (Principal Investigator) du Centre National PreciDIAB, fait le point avec nous sur la situation à Mayotte et la Réunion.

“Quelle est la situation à Mayotte et à la Réunion par rapport au COVID-19 ?”

Avant tout, la situation à Mayotte et à la Réunion est différente de celle en métropole. En effet, lorsqu’en métropole, vous étiez en phase 2, l’île était en phase 1. Le virus a commencé à se propager avec des cas importés, fort heureusement, l’épidémie a rapidement été jugulée grâce à des médecins généralistes qui se sont fortement mobilisés pour la fermeture des frontières. Le préfet a demandé très tôt la fermeture de l’aéroport ce qui a permis de réduire considérablement le nombre de personnes contaminées. À présent, lorsque vous arrivez sur notre territoire, vous êtes testé puis mis en quatorzaine. Grâce à ces mesures, nous avons obtenu un nombre de cas très faible de COVID-19 à la Réunion, à ce jour nous recensons 480 cas et un seul décès. Nous sommes un bon exemple du succès du confinement, nous avions 50 cas au début puis très rapidement nous avons diminué à 1 ou 2 cas par jour. Tant que les mesures de quatorzaine sont maintenues on ne s’attend pas à une augmentation de patients positifs au COVID-19.

A contrario, la situation à Mayotte est plus difficile. En effet, l’île présente l’un des taux de contamination les plus fort au monde avec les États-Unis. Environ 0,75% de la population a été diagnostiquée Covid-19 positif (près de 2000 cas sur 260 000 habitants), 50 nouveaux cas par jour, et plusieurs décès (24 à ce jour). Cela est dû au sous-développement majeur de Mayotte, à l’insuffisance d’infrastructures notamment pour le soin, et au manque de médecins notamment les généralistes. La majorité de la population vivant dans des bidonvilles, l’accès à l’eau courante est très limité et la délinquance est très élevée. Afin d’aider Mayotte, nous avons ouvert une collaboration et nous recevons des patients que nous soignons à la Réunion.

“Qu’en est-il des tests PCR à la Réunion ?”

La Réunion a mis en place les tests PCR très rapidement par laboratoire privé ou par le CHU, et nous avons obtenu l’aide des laboratoires académiques comme le CIRAD.  Notre capacité de tests sur l’île de la Réunion est de 500 à 700 tests par jour, ce qui est conséquent par rapport à notre nombre d’habitants. Nous étions très équipés bien avant la crise actuelle, car nous avons dû faire face à de précédentes épidémies comme la dengue ou le chikungunya. Ainsi, les laboratoires de la Réunion étaient prêts bien avant ceux de la métropole.

“Quels sont les projets spécifiquement mis en place à la Réunion pour lutter contre le Covid ?”

D’un point de vue recherche, il n’y a pas eu beaucoup de démarches effectuées spécifiquement sur le Sars-CoV2 car nous avons recensé très peu de cas. Les tests ont été mis en place quand l’épidémie était déjà contenue, avec moins de 10 personnes en réanimation et aucune personne intubée ou ventilée. Aujourd’hui, les 3 problèmes sanitaires prioritaires de la Réunion sont liés à l’alcoolisme, aux nouveaux virus émergents (tels que Zika, la dengue et le chikungunya), et aux maladies métaboliques. Le diabète notamment représente entre 10% et 15% de la population à la Réunion, soit le double par rapport à la métropole. La conséquence est flagrante dans mon service de néphrologie où nous dénombrons 2,5 fois plus de personnes dialysées. En plus de ces 3 problèmes majeurs, la Réunion présente un taux de mortalité périnatale très élevée, assez proche des pays des tiers du monde. Nous ne connaissons pas la raison exacte qui expliquerait ce taux si élevé, mais nous travaillons afin de mieux en comprendre les causes.

Au final, sur notre île, le problème du COVID est essentiellement économique. Malheureusement, avec 40% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, les conséquences économiques de l’épidémie s’annoncent plus importantes que l’épidémie en elle-même.

“Avez-vous obtenu un soutien de l’État ou de votre métropole pour lutter contre le COVID-19 ?”

Le seul soutien que nous avons obtenu est un appui administratif pour la fermeture de nos frontières. Habituellement, nous comptabilisons environ 7 vols par jour et maintenant 3 vols par semaine. Nous avons besoin d’un minimum de liaisons pour affréter l’ensemble du matériel nécessaire tel que les masques, blouses, etc… Afin de continuer de juguler la pandémie, nous demandons que les mesures prises par le préfet soient poursuivies aussi longtemps que l’épidémie circule.

Dominique Eladari, Professeur en médecine PU-PH au CHU-Réunion 

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Edité par Marc Gozlan, journaliste médico-scientifique