Dr Amélie Bonnefond,
Directrice de Recherche INSERM
Je suis actuellement cheffe d’équipe en génomique au sein de l’UMR 1283/8199 dont je prendrais la direction l’année prochaine. Au sein de cette unité fondatrice de l’IHU Centre National PreciDIAB, je dirige l’axe de médecine génomique du diabète et de l’obésité.
Je pourrais citer de nombreux résultats issus de PreciDIAB, à commencer par l’identification de nouveaux gènes impliqués dans des formes rares de diabète (dites oligogéniques), tels que OPRD1, codant le récepteur delta aux opioïdes, et P2RY1, codant le récepteur à l’ADP. Il s’agit dans les deux cas de récepteurs couplés aux protéines G, qui représentent des cibles thérapeutiques majeures.
Par ailleurs, les analyses multi-omiques menées au sein de l’unité incluant méthylome, transcriptome, protéome, métabolome et, plus récemment, translatome, constituent une avancée tout aussi déterminante pour la recherche clinique de demain. Elles ouvrent la voie à une meilleure stratification des patients et à des progrès durables dans la prise en charge personnalisée du diabète.
C’est pourquoi je souhaite ici surtout mettre l’accent sur les impacts cliniques de mes recherches. Grâce au séquençage du génome de patients diabétiques suivis aux CHU de Lille, Liège, Tours, Angers et Poitiers, nous progressons non seulement dans la compréhension des causes du diabète de type 2, mais nous adaptons aussi concrètement, au jour le jour, les traitements de nombreux patients. Nos réunions pluridisciplinaires d’études de cas atypiques permettent d’identifier des profils génétiques particuliers. Ceci permet, dans certains cas, de remplacer les injections d’insuline par des traitements oraux génériques, plus efficaces et beaucoup moins coûteux. Le bénéfice pour les patients est inestimable avec une qualité de vie retrouvée. J’en suis très heureuse. Contente aussi de voir ce concept de médecine personnalisée, encore quelque peu abstrait au début de ma carrière, devenir peu à peu une réalité et d’avoir apporté une contribution à l’édifice.
Mais il reste tellement à faire, notamment dans l’obésité. C’est l’un des plus grands défis sanitaires contemporains, particulièrement dans les Hauts-de-France, où un quart de la population est concernée. Longtemps perçue comme une gêne, elle évolue souvent vers une maladie grave, notamment en raison de l’inflammation qu’elle induit, d’abord localement dans le tissu adipeux, puis dans l’ensemble de l’organisme (foie, cœur, muscles). Elle aggrave aussi l’évolution de nombreuses maladies auto-immunes, comme le lupus, la sclérodermie ou la polyarthrite rhumatoïde. Dans le cadre du projet interdisciplinaire PRIME Next Gen obtenu récemment, avec le Pr. David Launay, on espère pouvoir proposer dans un futur proche une prise en charge plus efficace et plus ciblée de ces patients atteints de ces maladies chroniques inflammatoires associées à l’obésité.
À mes yeux, le grand défi du 21e siècle est celui de la médecine personnalisée. Nous ne pouvons plus continuer à soigner tous les patients atteints d’une maladie chronique de la même manière. C’est globalement assez inefficace, souvent coûteux, et parfois même dangereux. La médecine génomique est une solution puissante, de plus en plus accessible, pour faire une médecine de qualité, à la fois préventive et personnalisée.
En France, le plan France Médecine Génomique 2025 a jeté les bases de cette transformation, en particulier pour les cancers et les maladies pédiatriques rares. Le plan Médecine Génomique 2030 se prépare actuellement et devrait s’attaquer aussi aux maladies chroniques fréquentes : diabète, maladies cardiovasculaires, AVC, pathologies neurodégénératives, maladies auto-immunes…
Aux côtés du CHU de Lille, de ses services cliniques spécialisés et son département de biologie, j’espère vraiment pouvoir participer à ce défi à travers ma plateforme de séquençage du génome humain LIGAN. Le site lillois est particulièrement bien positionné pour le relever et je suis déjà impatiente !
En souhaitant à toutes et à tous un bel été, et au plaisir de vous retrouver dès la rentrée notamment à l’occasion des away days du club des industriels,
Dr Amélie Bonnefond,
Directrice de Recherche INSERM