Point sur les recherches menées sur le COVID-19 par le CHU de Lille

Dominique Deplanque
Professeur de pharmacologie médicale
Directeur du Centre d’Investigation Clinique (CIC 1403 Inserm-CHU de Lille) et de l’Unité d’Essais Cliniques dédiée aux diabètes.

Pour ce nouveau numéro, le Pr Dominique Deplanque nous présente les recherches menées par le CHU de Lille pour lutter contre le COVID-19 en collaboration avec les différentes institutions du campus lillois: CHU, Université, INSERM, CNRS, Institut Pasteur de Lille, Inria, I-site ULNE, tous associés dans une Task-Force Recherche.

“Quels sont les principaux projets mis en place au CHU de Lille pour lutter contre le COVID-19 ? Depuis combien de temps ont été lancés ces projets ?”

Dès le début de l’épidémie, l’ensemble des personnels du CHU s’est mobilisé pour prendre en charge les nombreux patients hospitalisés dans l’établissement. Sur le plan de la recherche, la même mobilisation a été observée. Un total de 64 projets de recherche a été mis en œuvre dont 32 portés directement par l’une ou plusieurs équipes du CHU de Lille. Ces projets visent notamment à mieux comprendre la maladie et à améliorer la prise en charge des patients. Cette démarche de recherche, qui a bénéficié de financements de l’I-SITE ULNE, a été menée en collaboration étroite entre les différentes institutions du campus lillois : CHU, Université, INSERM, CNRS, Institut Pasteur de Lille, INRIA, I-SITE ULNE, associés dans une Task-Force Recherche.

 

“L’Europe a lancé un grand essai clinique du nom de Discovery. Celui-ci semble être mis à mal par un défaut de coopération entre les pays. Qu’en est-il au sein du CHU de Lille qui participe à cet essai ?”

Plus que l’Europe, c’est l’OMS qui a développé les bases d’un essai thérapeutique dénommé Solidarity dont la déclinaison européenne est l’essai Discovery. Cet essai qui vise à évaluer l’efficacité et la sécurité de traitements antiviraux chez des patients adultes hospitalisés pour COVID-19 comprend 5 bras de traitement : le traitement habituel dit « standard of care », le remdesivir, l’hydroxychloroquine, l’association lopinavir-ritonavir ou l’association lopinavir-ritonavir + interféron bêta. A ce jour, plus de 750 patients ont été inclus en France dont 77 au CHU de Lille. Cet essai a pu être rapidement ouvert aux inclusions en France grâce notamment au soutien financier de l’État à travers le PHRC. Dans le reste de l’Europe, la mise en œuvre de l’essai Discovery a été retardée pour différentes raisons comme la diversité et la complexité des parcours réglementaires et l’absence de financements dédiés. Il faut néanmoins souligner qu’à l’échelon mondial, près de 1600 patients supplémentaires ont été inclus dans l’essai Solidarity, ce qui devrait permettre une première analyse des données disponibles dans les toutes prochaines semaines.

“Quels sont les résultats obtenus à ce jour et ceux attendus d’ici peu au CHU de Lille ?”

Compte tenu du design adaptatif de l’essai Discovery, une première analyse pourrait conduire à l’abandon de l’un ou l’autre des traitements testés afin de se focaliser sur le ou les traitements les plus à même d’être efficaces. La conduite d’essais cliniques à bras multiples de traitements peut avoir pour inconvénient de retarder les résultats mais a l’avantage de permettre, le cas échéant, de disposer de données validées sur un plus grand nombre de traitements. Le CHU de Lille a participé ou participe à d’autres essais thérapeutiques comme l’essai relatif au tocilizumab (CORIMMUNO-Toci), une molécule susceptible de bloquer la réaction inflammatoire qui apparait dans le cours de la maladie. Les résultats de cette étude suscitent beaucoup d’attente d’autant que l’AP-HP, qui en est le promoteur, a communiqué de manière un peu trop précipitée à ce sujet il y a quelques semaines.

Au-delà des essais thérapeutiques, les travaux de recherche du CHU de Lille ont permis de véritables avancées sur la connaissance de la maladie et ont déjà fait l’objet de publications. Il s’agit notamment de la mise en évidence, des aspects particuliers des lésions pulmonaires observées à l’autopsie, de la prévalence élevée des embolies pulmonaires ou encore du rôle délétère de l’obésité dans le contexte des formes graves de COVID-19.

“De nombreux résultats indiquent que le surpoids est un facteur de risque important. Pouvez-vous nous en dire plus et quelles sont les études menées au CHU sur ce sujet ?”

Concernant l’obésité, une étude menée chez les patients admis en réanimation pour une pathologie COVID-19 a en effet montré la prévalence élevée de l’obésité dans cette population de patients sévèrement touchés par la maladie et l’impact particulièrement délétère des obésités avec un BMI > 35 kg/m2. A travers une collaboration nationale (étude CORONADO), le CHU de Lille a par ailleurs contribué à mieux décrire la pathologie COVID-19 chez les patients diabétiques. L’étude CORONADO confirme là encore le rôle majeur de l’obésité sur le risque d’intubation ou de décès à 7 jours ainsi que le rôle délétère de l’âge, de la présence d’un syndrome d’apnée du sommeil et de la présence de complications micro- ou macrovasculaires sur le risque de décès de ces patients.

“Parmi les multiples pistes envisagées pour le traitement du COVID-19, quelles sont selon vous les plus prometteuses ?”

Comme pour de nombreux virus respiratoires connus, l’espoir d’un traitement antiviral efficace risque d’être déçu. Parmi les espoirs raisonnables, vu la physiopathologie particulière de cette maladie, les traitements de la réponses inflammatoires sont sans doute de bons candidats pour les patients les plus sévères. D’importantes attentes existent par ailleurs au sujet des traitements par transfusion de plasma de sujets guéris par l’effet des anticorps neutralisants ainsi récupérés. Pour ce qui est de la vaccination, plusieurs candidats vaccins sont en cours d’évaluation et une plateforme nationale dédiée au déploiement des essais vaccinaux est en cours de mise en œuvre en France pour que de premiers essais puissent être ouverts dès le mois de juillet. A noter, dans ce contexte, le déploiement d’un essai sur l’efficacité éventuelle de la revaccination par le BCG pour les personnels soignants.

Pour ce qui est de la prévention, outre la lutte contre les facteurs de risques prédisposant aux formes graves, ce sont surtout les gestes barrières et le dépistage large des sujets malades et leur éventuel isolement qui constituent à ce jour la meilleure prévention. Dans ce contexte, le CHU a mis en œuvre un dépistage systématique de l’ensemble de ses personnels incluant une évaluation sérologique à même de préciser la proportion de personnes qui ont pu être en contact avec le virus.

“D’autres recherches sont-elles menées et reste-t-il des pistes à explorer ?”

D’autres recherches sont menées sur des populations particulières comme les enfants, les femmes enceintes, les patients atteints de cancer ou encore ceux devant faire l’objet d’une chirurgie afin notamment de déterminer quelques aspects particuliers épidémiologiques ou physiopathologiques ainsi que l’impact de la maladie COVID-19 sur les prises en charge médicales. Par ailleurs, s’engage dorénavant le suivi à plus long terme des patients pour déterminer l’existence de séquelles pulmonaires, cardiaques voire neurologiques. Enfin, l’ensemble des données phénotypiques notamment cliniques ainsi que des échantillons biologiques issus des patients ayant été admis au CHU de Lille pour une pathologie COVID-19 probable ou confirmée va être rassemblé dans une base de données clinico-biologiques. Cette base de données LICORNE (Lille Covid Research Network) sera ouverte à la collectivité dès ces prochaines semaines dans le but de favoriser la réalisation de nouveaux projets de recherche.

 Dominique Deplanque, Professeur de pharmacologie et Directeur de Centre d’Investigation Clinique du CHU de Lille

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Edité par Marc Gozlan, journaliste médico-scientifique