Francesc Puig Castellvi

Francesc Puig Castellvi

Francesc Puig Castellvi

Chercheur postdoctorant au sein de l’UMR 1283/8199

Francesc Puig Castellvi, partage avec nous son parcours, son expertise en tant que chercheur spécialisé en métabolomique.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel et les étapes majeures qui vous ont conduit à vous intéresser à la métabolomique et à travailler à EGID ?

J’ai découvert la métabolomique pour la première fois pendant mon doctorat à l’Université de Barcelone, où je me suis consacré au développement d’approches computationnelles pour analyser les données de spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) issues d’échantillons biologiques. Au cours de cette période, j’ai été fasciné par la manière dont les données spectrales pouvaient être transformées en informations métaboliques significatives, grâce à des méthodes basées sur les données, afin de générer des connaissances biologiques.

Désireux d’approfondir mon expertise en métabolomique, j’ai déménagé à Paris en 2018 après ma thèse pour un premier postdoctorat à AgroParisTech. Là, j’ai élargi mes compétences en chimie analytique en me formant à la spectrométrie de masse. Durant ce postdoc, j’ai appliqué cette technique pour étudier le métabolisme de communautés microbiennes vivant dans des digesteurs anaérobies.

En 2021, je me suis installé à Lille et j’ai rejoint l’équipe du Professeur Marc-Emmanuel Dumas à l’EGID afin de mettre à profit mes connaissances en métabolomique, en spectrométrie de masse et en métabolisme microbien pour décrypter les liens entre le microbiote intestinal humain et la santé métabolique.

Comment définiriez-vous la métabolomique, et en quoi ces nouvelles approches représentent-elles une avancée majeure pour la médecine de précision du diabète et de l’obésité ?

La métabolomique est l’étude scientifique des petites molécules (appelées métabolites) présentes au sein d’un système biologique. Grâce à la métabolomique, il est possible de mesurer les concentrations de dizaines à des milliers de métabolites dans un seul échantillon, offrant ainsi un aperçu détaillé de l’état physiologique et de l’activité métabolique d’un organisme.

Lorsque l’on analyse des échantillons cliniques tels que l’urine ou le sang, au-delà des métabolites produits par le corps humain, la métabolomique permet également de détecter des composés provenant de sources externes comme l’alimentation, les médicaments ou les expositions environnementales. Cela en fait un outil particulièrement puissant pour étudier des maladies complexes et multifactorielles comme le diabète ou l’obésité.

Dans le contexte de la médecine de précision, la métabolomique représente une avancée majeure car elle peut compléter d’autres approches (telles que la génomique, qui permet de révéler des facteurs de risque héréditaires et des prédispositions potentielles aux maladies), en capturant l’état métabolique en temps réel d’une maladie au moment exact où l’échantillon clinique est prélevé. Cela permet de comprendre comment une maladie se manifeste de manière unique chez chaque individu. À partir des profils métabolomiques, il est ainsi possible d’identifier des sous-groupes de patients partageant des signatures métaboliques similaires et susceptibles de répondre différemment à certains traitements, ouvrant ainsi la voie à une personnalisation des thérapies pour chaque sous-groupe.

Vous êtes donc jeune chercheur et vous avez justement décroché un projet ANR JCJC. Pourriez-vous nous expliquer votre projet ?

Les techniques actuelles de métabolomique permettent de détecter des milliers de métabolites dans le sang humain, mais on pense que le nombre réel est bien plus élevé. L’ensemble des métabolites que nous ne parvenons pas à identifier est appelé le métabolome obscur (dark metabolome). Nous savons que le microbiote intestinal produit des métabolites qui passent dans la circulation sanguine et peuvent influencer notre santé. Sur cette base, nous pensons que le métabolome obscur du sang pourrait contenir des composés microbiens encore inconnus qui jouent un rôle important dans les maladies métaboliques.

Dans le cadre du projet Chem4GutMet, nous avons pour objectif d’« éclairer » et d’identifier certains de ces métabolites obscurs en développant un cadre analytique avancé. Cela implique d’augmenter la quantité de données de spectrométrie de masse de haute qualité que nous pouvons générer à partir d’échantillons sanguins, et d’utiliser des outils de pointe pour identifier et nommer les métabolites à partir de ces données. Grâce à cette approche, notre but est d’élargir le nombre de métabolites détectables dans le sang, en particulier ceux liés au microbiote intestinal, et d’étudier leur rôle dans le métabolisme humain.

Nous appliquerons cette méthodologie à des échantillons issus de deux grandes études impliquant des personnes atteintes de troubles métaboliques, dans le but de découvrir de nouvelles molécules d’origine microbienne qui influencent la santé métabolique et les maladies associées.

Vous développez votre thématique de recherche aussi dans le cadre d’un laboratoire international associé avec l’Imperial College de Londres. Pourriez-vous nous éclairer sur l’apport de ce partenariat pour vos recherches ?

Dans le cadre du Projet de Recherche International en Métabolisme Intégré, je me rends régulièrement à l’Imperial College London (ICL) pour collaborer avec des chercheurs dans le but d’approfondir nos connaissances sur la santé métabolique. Lors de ces collaborations, j’apporte mon expertise en métabolomique et en chimiométrie afin d’extraire de nouvelles connaissances à partir de données de métabolomique à grande échelle issues d’études de cohortes humaines.

Par exemple, certaines des stratégies que j’ai mises en place au sein de l’EGID pour l’analyse des données métabolomiques sont désormais utilisées par des chercheurs et doctorants à l’ICL. Cette collaboration offre des opportunités précieuses pour interagir avec des experts en biologie et en physiologie, ainsi que pour accéder aux ressources et aux instruments de l’ICL.

Pour mener à bien vos projets de recherche, vous avez recours à la plateforme IMPACT PM. Pourriez-vous la décrire en quelques mots et nous expliquer en quoi elle vous est indispensable ?

La plateforme de métabolomique IMPACT-PM (Integrative Metabolomics for Translational and Precision Medicine), dirigée par le Professeur Dumas, a été créée au sein de l’UMR 1283/8199 pour offrir des services de métabolomique dédiés au contexte biomédical, en utilisant la spectrométrie de masse à haut débit et haute résolution. Grâce à sa bibliothèque de standards chimiques, la plateforme peut identifier avec fiabilité jusqu’à 2 800 métabolites. De plus, équipée d’un robot pour la préparation des échantillons, elle garantit un très haut niveau de qualité pour la génération de données métabolomiques.

Récemment, la plateforme IMPACT-PM a été certifiée par l’Université de Lille et le GIS IBiSA, en recevant le label IBiSA. Unique en son genre dans la région Hauts-de-France, elle constitue un outil essentiel pour la caractérisation métabolomique des échantillons biologiques issus des cohortes de PreciDIAB, telles que PrevenDIAB ou DESCENDANCE.

La plateforme IMPACT-PM est une ressource indispensable pour mes recherches, car elle me donne accès à une instrumentation de pointe, permettant la génération de données métabolomiques de haute qualité par spectrométrie de masse, que j’utilise dans mes études.

Votre groupe organisera les 18ième journées scientifiques du Réseau Francophone de Métabolomique et Fluxomique à Lille en mai 2026. En quoi ce colloque revêt une importance particulière pour votre communauté ?

Rassemblant chaque année plus de 300 participants, cet événement est la conférence de référence pour la communauté francophone de la métabolomique, où sont présentées les dernières avancées scientifiques et technologiques dans le domaine.

En regardant vers l’avenir, nous anticipons dans les prochaines années des progrès majeurs dans le domaine de la métabolomique, notamment technologiques avec une meilleure sensibilité, ainsi que des développements informatiques innovants, souvent propulsés par l’intelligence artificielle, permettant d’augmenter le nombre d’identifications de métabolites.

D’un point de vue médical, nous prévoyons une intégration croissante des données de métabolomique dans les études de cohortes humaines, ainsi qu’un élargissement des applications liées à la médecine de précision.

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Un blog consacré aux mille et une facettes du diabète.
Edité par Marc Gozlan, journaliste médico-scientifique