Pr. Jean-Baptiste Beuscart

Pr. Jean-Baptiste Beuscart

Professeur des universités – Practicien hospitalier dans le service de médecine aiguë gériatrique, spécialiste du parcours de soins, des interactions médicamenteuses et l’intelligence artificielle.

Pour ce nouveau numéro, le Pr Jean-Baptise Beuscart nous présente son travail dans le domaine de l’intelligence artificielle et de la e-santé afin de mieux comprendre les objectifs rattachés à ces applications technologiques ainsi que la proposition du Centre National PreciDIAB pour répondre à ces nouveaux défis.

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours professionnel et ce qui vous a amené à vous intéresser conjointement aux interactions médicamenteuses et l’intelligence artificielle ?

Je suis gériatre, de formation néphrologique. Les personnes âgées que je soigne présentent souvent des effets indésirables liés aux médicaments et la fonction rénale joue un rôle central. Par ailleurs, j’ai réalisé une thèse en statistiques appliquées sur les modèles multi-états, dédiés aux situations où un patient présente plusieurs états possibles au cours du temps.

Ces modèles permettent de décrire et analyser des parcours de soins, une thématique également centrale en milieu gériatrique. Enfin, j’ai eu la chance de pouvoir participer à des projets ambitieux de grande envergure sur (1) la réutilisation de données et l’algorithmique appliqués au risque médicamenteux (projet européen PSIP) et (2) le parcours de soins chez les sujets âgés (projet national PAERPA). Ces formations et ces expériences m’ont convaincu que nous arrivons à un point où la quantité des données disponibles, la qualité des outils mathématiques, et la puissance de calcul des machines offrent des possibilités extraordinaires en termes de recherche et d’aide structurelle pour le bénéfice des patients et des soignants.

Qu’est-ce que la e-santé et en quoi ce domaine peut-il changer la prise en charge et le soin des personnes ?

La « e-santé » comprend l’ensemble des applications des technologies de l’information et de la télécommunication au service de la santé. C’est donc un domaine très vaste, qui comprend notamment l’exploitation des données numérisées en santé. Il faut à ce titre différencier la réutilisation des données de santé (data reuse), qui correspond à analyser des données en changeant la finalité de ces données (par exemple, utiliser des données de facturation pour décrire des parcours de soins), de l’intelligence artificielle, qui est l’une des nombreuses méthodes d’analyse de ces données.

La « e-santé » est donc déjà présente au quotidien à l’hôpital et en ambulatoire, ne serait-ce que via la prescription informatisée et les logiciels spécifiques à nos professions, mais la réutilisation des données numériques en temps réel en est juste à ses débuts. Les potentialités sont énormes : amélioration des scores de prédiction, détection de situations à risque en temps réel, optimisation des parcours de soins, sécurisation, information et communication, aide à la prescription, et bien d’autres applications encore !

Cependant, les défis sont tout aussi importants car il faut assurer un traitement des données respectueux du règlement général sur la protection des données (RGPD), contrôler la qualité de ces données, assurer leur interopérabilité, etc. Surtout, il faut porter une attention particulière au traitement de l’information produite : celle-ci doit s’intégrer dans le circuit de l’information existant et s’adresser à tous les interlocuteurs concernés, dans une perspective pluri-professionnelle et l’implication du patient lui-même.

Quelle est la proposition du Centre National PreciDIAB pour répondre à ces nouveaux défis ?

Une partie du programme de PreciDIAB vise à l’optimisation des traitements anti-diabétiques à l’occasion d’une hospitalisation. Avec mon équipe et d’autres collaborateurs académiques et industriels, nous développerons des stratégies de prévention de la iatrogénie (i.e. effets indésirables provoqués par la prise d’un ou plusieurs médicaments) à l’aide de systèmes d’aides à la décision informatisés en respectant deux étapes-clés : (1) une conception de règles dynamiques, fiables et spécifiques ; (2) une intégration réfléchie et concertée de ces alertes dans le processus de soins pluri-professionnel, adaptée au contexte de soins.

Nous développerons également des outils de pré-screening pouvant tirer parti des données riches mais hétérogènes de l’entrepôt de données de santé du CHU de Lille. Ces outils seront basés sur une intelligence artificielle de premier niveau (alignement terminologique, annotation automatisée, etc.) et de deuxième niveau (classification supervisée et non-supervisée). Au final, le développement de ce projet va permettre de mieux détecter et corriger les situations à risque iatrogène et/ou nécessitant une optimisation thérapeutique chez les patients diabétiques hospitalisés, en lien avec le secteur ambulatoire et le patient.

De plus, une analyse fine des données concernant les patients diabétiques hospitalisés au CHU de Lille permettra de déterminer les capacités de recrutement de patients diabétiques au CHU de Lille, de réaliser des pré-screening en vue d’inclusion dans des essais cliniques, et de clarifier l’étendue de certaines questions cliniques.

Ces fonctionnalités essentielles seront à même de répondre aux attentes des recherches institutionnelles et industrielles.

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Edité par Marc Gozlan, journaliste médico-scientifique