Dr. Marc-Emmanuel DUMAS

Dr. Marc-Emmanuel DUMAS

Chargé de Recherche au CNRS, leader du WP4.1 dans PreciDIAB

Aujourd’hui, le Dr Marc-Emmanuel DUMAS nous parle de son arrivée dans le cadre du dispositif « Accueil de Talents » ainsi que de l’installation de son plateau technique et des projets de Recherche qui y seront associés en particulier pour les projets du Centre National PreciDIAB: « Coup de projecteur sur le dialogue biochimique entre bactéries intestinales et leur hôte dans les maladies métaboliques« .

Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel et ce qui vous a amené à travailler dans notre Centre ?

Après des études d’ingénieur agronome et un doctorat en biochimie, je suis parti outre-manche pour un post-doc de 5 ans à l’Imperial College de Londres financé par le Wellcome Trust. J’ai ensuite accepté un poste de chargé de recherche CNRS à l’École Normale Supérieure de Lyon en 2007 et j’y suis resté pendant 2 ans avant de retourner à Imperial College où j’ai gravi les échelons jusqu’à obtenir la Chaire de Médecine des Systèmes en 2019.

Je travaille depuis plus de 20 ans sur l’étude du métabolome, c’est-à-dire, l’ensemble des métabolites tels que les petites molécules issues du métabolisme, les vitamines, les hormones ou d’autres molécules énergétiques (glucose, lipides, etc.). Grâce à l’utilisation d’équipements de pointe comme la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire et la spectrométrie de masse couplées aux statistiques multidimensionnelles, j’ai pu démontrer au cours des 15 dernières années que de nombreuses molécules microbiennes font partie de la signature métabolique associée à de nombreuses maladies et que certains de ces métabolites ont des activités pharmacologiques tout à fait surprenantes.

Je me suis également penché sur la génétique des profils métaboliques dans des modèles animaux puis chez l’homme et à ma grande surprise les métabolites microbiens sont justement les plus héritables, ce qui suggère que la cohabitation entre les bactéries intestinales et leur hôte (notre corps) a fait l’objet de pressions de sélection très fortes.

J’ai rejoint l’UMR 1283/8199 d’EGID en Septembre 2020 dans le cadre du dispositif « Accueil de Talents » avec le généreux soutien de l’I-site de la MEL et de la Région Hauts-de-France, afin de monter un nouveau groupe travaillant sur le métabolome microbien dans les maladies cardiométaboliques. Ce dispositif « Accueil de Talents » et le lancement d’un projet phare comme PreciDIAB ont été des arguments scientifiques majeurs dans ma décision de monter un groupe à EGID.

Quelles sont les techniques innovantes que vous allez mettre en place avec votre équipe et les projets qui y seront adossés ?

Il s’agit de monter une thématique à partir d’une feuille blanche, ce qui laisse beaucoup de liberté mais représente une course d’obstacles avec la préparation d’un laboratoire, l’achat de spectromètres de masse de dernière génération, la mise en place d’une librairie de standards chimiques purs pour plus d’un millier de métabolites et lipides, et bien évidemment, les recrutements de personnels hautement qualifiés, parfois de l’étranger, pour faire fonctionner le plateau métabolome, qui représente le cœur de l’activité du groupe.

Le deuxième volet représente l’installation d’une thématique de métagénomique par séquençage shotgun en créant notamment une synergie avec la plateforme NGS LIGAN-PM. En termes de technologie, la présence d’une plateforme labellisée représente un atout majeur, il ne reste plus qu’à développer le dernier maillon avec l’implémentation d’un pipeline bioinformatique de traitement de séquences métagénomiques, ce qui nous permettra d’intégrer le métabolome, le métagénome et le génome de l’hôte afin de cartographier et d’exploiter les richesses, encore largement inconnues, de notre pharmacopée intestinale, ce réservoir de substances naturelles bioactives synthétisées par le microbiome et qui gouvernent notre système immunitaire, notre métabolisme et même notre comportement !

Le plateau technique va s’adosser sur le court terme à certains projets en cours que j’ai ramenés dans mes cartons et qui rejoignent PreciDIAB pour valider les méthodologies sur les nouveaux instruments. Sur le moyen terme, au cœur du programme PreciDIAB, je développe une approche sur l’étude des interactions entre les maladies métaboliques, l’environnement et la nutrition. En effet, le microbiome joue un rôle de caisse de résonance qu’il faut disséquer d’un point de vue fondamental et mécanistique. Au final, l’objectif de ce projet est la translation de ces concepts vers la clinique avec la caractérisation métabolomiques des cohortes PreciDIAB qui sont en cours de recrutement.

Quelles sont les ambitions en terme de résultats escomptés ? Comment ces perspectives changeront-elles la compréhension ou la manière de prendre en charge les maladies métaboliques et le diabète en particulier ?

Sur le court-terme, nous nous focalisons exclusivement sur le lancement du plateau métabolome d’ici la fin de l’année, tout en finalisant des publications-clé. En conjuguant notre savoir-faire sur le métabolome et le microbiome, à celui d’EGID en génétique humaine et sur les modèles précliniques, j’ambitionne de créer une thématique différenciée, basée sur notre capacité à intégrer le métabolome, le métagénome et le génome de l’hôte pour mieux comprendre les maladies métaboliques.

Ces innovations vont nous permettre de mieux comprendre les déterminants génétiques et métagénomiques du métabolisme humain. Ceci nous ouvre des avenues thérapeutiques, que ce soit par le biais d’interventions de spectre large agissant sur le microbiome telles que les transplantations de microbiome intestinal, la supplémentation avec des nutriments favorisant le développement de bactéries bénéfiques (les prébiotiques), puis des traitements plus ciblés basés sur des bactéries bénéfiques (les probiotiques) de nouvelle génération, ou sur des composés microbiens bénéfiques (les postbiotiques), mais aussi par le biais de ciblage pharmacologique de certains gènes microbiens responsables de la production de métabolites délétères. Il s’agit là de tout un répertoire de nouvelles solutions thérapeutiques.

Dans un premier temps, nous allons établir le plateau technique et surtout publier, pour reconnaitre le savoir-faire d’EGID, obtenir une reconnaissance des tutelles, des acteurs locaux, nationaux et européens. Comme la recherche ne se fait pas en mode isolé, nous gardons des liens très forts avec nos collaborateurs internationaux, que ce soit au Royaume-Uni, en Europe ou au Canada. Grâce au soutien de l’Université de Lille, nous sommes justement en phase de lancement d’un Laboratoire Associé International avec Imperial College afin de faciliter l’échange de savoir-faire, la formation des personnels d’un point de vue analytique ou chimio-informatique, et surtout la mise en place d’un réseau harmonisé de centres de métabolomique pour l’étude des cohortes humaines, les fameux « Phenome Centres ».

Au-delà du métabolisme, le microbiome et ses composés jouent un rôle fondamental dans l’orchestration de l’immunité, de la physiologie et du comportement humain. Le proverbe anglo-saxon le dit bien « the sky is the limit », (ndlr la limite, c’est le ciel)… Et pourquoi pas rêver d’aller décrocher la lune et d’emmener nos amis microscopiques sur d’autres planètes dans un avenir relativement proche ?

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Un blog consacré aux mille et une facettes du diabète.
Edité par Marc Gozlan, journaliste médico-scientifique